La 26ème édition du Salon de l’Informatique de la Bureautique et des Technologies de la Communication et de l’Information (SIB IT) vient de fermer ses portes. Sur 5 jours, quelques dizaines d’exposants ont occupé tous les espaces de la foire de la Charguia 1. Ce prestigieux événement TIC de la Tunisie, et le plus ancien de tout le Maghreb (pour ne pas dire de toute l’Afrique), perd d’année en année son aura. Le SIB de cette année confirme encore une fois, hélas, sa réputation de «grand bazar» de l’informatique.
La grande débâcle du SIB ne date pas d’hier. Depuis la fin des années 2000, la fibre commerciale semble avoir pris le dessus sur l’importance de l’image de marque de la Sogefoires, société organisatrice du salon. Essayant vraisemblablement de concurrencer la Galerie 7 du centre ville de Tunis, le SIB s’est transformé progressivement en un grand souk de la High Tech, où des chinoiseries technologiques rivalisent avec les grandes marques. Résultat : ce grand événement TIC de la Tunisie, et de tout le Maghreb, s’est muté en une foire d’empoigne où le vendeur qui braille le plus fort est celui qui vend le plus. Quoique…
Quand les entreprises TIC tirent vers le bas
Avec la début de la crise économique, les marques, elles-mêmes, montrent de plus en plus de réticence à payer “cher” leur emplacement dans le salon. Beaucoup d’entre elles examinent, en effet, leur retour sur investissement (le chiffre d’affaires des ventes réalisées durant le salon pour couvrir leurs dépenses d’organisation). L’image de marque ? On s’en fiche, tant qu’il y a de l’argent qui entre dans les caisses. Or cette approche purement mercantile ne sert pratiquement jamais une marque sur le long terme.
La Sogefoires ne fait donc que répondre à une demande du marché. Résultat : un shopping au souk de Sidi Bou Mendil est parfois plus agréable qu’une balade dans les couloirs du SIB. Ca crie, ça fume la cigarette, il fait chaud quand il y a foule et on trébuche entre les centaines de flyers abandonnés par terre.
Et il semblerait qu’Orange Tunisie a bien saisi ce point puisqu’elle a été la seule grande marque de télécom à s’éclipser du salon. Aucun stand propre à la marque n’a été réservé à l’opérateur. Mais on notera une présence très manifeste dans les stands des revendeurs. Trop même ! Au point de l’exagération !
«Madame ! Madame ! Voici une ligne Orange, il y a du bonus dedans !», s’est jeté un jeune portant la casquette et le T-Shirt d’Orange sur l’une des visiteuses dans le hall d’entrée du salon. «Mais lâchez-moi avec vos fichues lignes !», rétorqua-t-elle d’un air très agacé après avoir eu affaire à quelques personnes à l’entrée qui voulait, par tous les moyens, lui refourguer des flyers d’autres exposants du salon.
Super Mario
«Pour sortir saint et sauf du SIB, il faut être plus agile que Super Mario», commentera un autre visiteur du salon sur un ton sarcastique. «Si ce n’est pas les marches à l’entrée des halls, ce sont ces jeunes qui vous harcèlent avec leurs brochures et qui vous barrent la route !».
«Deux dinars pour le ticket d’entrée ? Bon sang ! Pensent-ils que je suis le fils de Ghannouchi (le chef du parti Ennahdha au pouvoir, ndlr) ?», s’insurge un autre sur le nouveau tarif d’entrée. «Je suis étudiant et j’ai fait plusieurs visites au SIB en deux jours pour repérer les meilleurs prix avant d’acheter une imprimante. J’ai casqué en tout 6 dinars, rien que pour le prix des tickets», nous déclare un autre jeune visiteur du salon.
Si les PC étaient la principale attraction du SIB, les technophiles se sont également rincés les yeux avec les jolies hôtesses du stand de Tunisiana. Rousse, brune et blonde, toutes plus jolies les unes que les autres ! Tellement jolies qu’elles ont créé le buzz lors de cet évènement.
Belles de l’extérieur, mais…
«Bonjour. Je vois que vous avez un nouveau produit chez Tunisiana. Pourriez-vous m’en dire plus ?», avons-nous demandé à l’une d’elles. «Oui bien sûr !», nous répond-elle avec un sourire très charmeur. «C’est un produit qui partage la connexion 3G en illimité».
«Illimité avec un quota limité, dans le sens où la connexion ne s’interrompt pas et la navigation devient bridée ? Ou illimité dans le sens où il n’y a plus de quota de téléchargement ?», avons-nous rétorqué. La jeune femme blonde balbutia quelque chose en guise de réponse. Nous n’avons pas pu obtenir de meilleure réplique quand on leur a demandé des informations sur les lots de consolation au jeu concours qui s’organisait dans le stand bling-bling de Tunisiana. On a évoqué des téléphones 3G, puis on a rectifié le tir en nous mentionnant une année d’abonnement ADSL Tunet. Un prix qui figurait, pourtant, dans la brochure comme cadeau principal lors du tirage au sort.
On l’a bien compris, il ne faut pas poser de questions très poussées à ces hôtesses d’une beauté insolente. Après tout, le stand de Tunisiana ressemblait plus à un carré VIP d’une soirée Jet Set qu’à un événement IT.
Récapitulons
Du côté de Tunisie Telecom, on a préféré mettre deux animateurs qui annonçaient (ou hurlaient) dans le micro pleins de promos chez TT et appelaient à vite venir au stand de l’opérateur historique. Un message sans doute adressé à la foule «en chaleur» agglutinée du côté de Tunisiana. Seulement voilà, avec un tel vacarme, on se demande comment les clients Pro, qui s’installaient dans le petit carré derrière les hauts parleurs, pouvaient discuter tranquillement avec les commerciaux !
Pour récapituler : Tunisiana a plutôt préféré jouer sur la testostérone de la gente masculine du SIB, Tunisie Telecom a opté pour les hauts parleurs afin de capter l’attention des visiteurs et enfin Orange a choisi de se retenir de participer à ce capharnaüm, en laissant ses revendeurs le représenter. Mais ces derniers ont tellement abusé, que plusieurs personnes ont fini par éviter les stands portant le logo d’Orange de peur d’être harcelés.
Secourez le SIB avant qu’il ne soit trop tard !
En 2008, lorsque votre serviteur a couvert médiatiquement pour la première fois le SIB, la présence des grandes marques des TIC était plus palpable que cette année. Les mêmes reproches formulées dans ces quelques lignes, ont été également évoqués à l’époque. Leur publication sur Webmanagercenter avait poussé le ministère des TIC de l’époque à prendre sous son aile l’organisation du SIB. En s’installant au palais du Kram en 2009 et 2010, les choses s’étaient nettement améliorées, malgré les moult actions de sabotages dont a été victime la Sogefoires à cause de son passage de la Charguia à un édifice concurrent. Mais depuis la chute du régime et que la Sogefoires s’est retrouvée seule à organiser l’événement à son emplacement d’origine, les choses sont allées de mal en pis.
Jusqu’à quand allons-nous assister à la chute du plus ancien évènement IT du Maghreb, et probablement de toute l’Afrique ? Pourtant, la valeur historique du SIB ainsi que l’avancée de la Tunisie en matière de TIC sur plusieurs plans, donnent toutes les chances à ce salon de concurrencer des évènements tels que le CeBIT d’Allemagne ou le CES Las Vegas. Aux niveaux régional et continental, du moins.
L’Etat doit absolument intervenir pour rehausser le niveau du SIB sans toutefois se l’approprier. Bien entendu, la propriété intellectuelle et commerciale de la SOGEFOIRE doit être respectée. Il faudrait définir des normes en termes d’organisation et de l’image du salon et cette prise en mains devrait être l’affaire d’une entité neutre et spécialisée. C’est l’image de la Sogefoires qui en sortira redorée, et celle de la Tunisie avec.
Welid Naffati
Crédit photo des hôtesses de Tunisiana : Ezdin Ben Youssef
A lire également :
Tunisie -SIB-IT 2012: Asus, l’attraction principale du salon
Tunisie – SIB-IT 2012: Comparatif des offres FAI et opérateurs télécom