L’opérateur ooredoo a lancé officiellement mardi 17 mai son nouveau service de paiement par mobile (m-Payment) basé sur les comptes bancaires. Appelé Mobicash, ce service vient compléter un autre service de m-Payment déjà existant avec la poste tunisienne (Mobiflouss)…
L’opérateur ooredoo a lancé officiellement mardi 17 mai son nouveau service de paiement par mobile (m-Payment) basé sur les comptes bancaires. Appelé Mobicash, ce service vient compléter un autre service de m-Payment déjà existant avec la poste tunisienne (Mobiflouss). Mais si ce dernier sert essentiellement aux paiements électroniques en ligne (des factures par exemple) ainsi que les transferts d’argent (notamment chez les étudiants pour les bourses), avec Mobicash, par contre, on touche carrément les commerces. C’est là qu’un nouvel écosystème vient d’être mis en place par ooredoo.
Pour faire simple, Mobicash c’est quoi ? C’est le fait de relier son numéro de téléphone à un compte bancaire et ce, qu’on soit affilié à une banque ou pas. Du coup, l’identifiant pour les opérations de paiement/transfert n’est plus le nom de la personne -et encore moins son numéro de carte bancaire- mais plutôt son numéro de téléphone. Et c’est là toute la différence. En effet, avec un marché où le taux de pénétration du mobile et de 130%, le Tunisien est devenu plus attaché à son téléphone qu’à son portefeuille quand il quitte la maison.
D’un point de vue plus pratique, le client pourrait payer ses achats chez l’épicier du coin avec son téléphone, lancer le règlement d’une traite (comme le remboursement des micro-crédit, etc.), ou tout simplement le transfert d’argent à ses amis/famille pour pouvoir payer les achats ou ses billets à ordre (traites). Et si le client n’a pas de compte bancaire ? Il est alors possible d’aller dans une boutique ooredoo et ouvrir un compte bancaire prépayé en moins de 5 minutes.
«Je prend toujours l’exemple de ‘Khalti Aouicha’, cette vieille dame vivant au fond de la Tunisie. Ce service va lui permettre de payer son marchand de légume après que son petit fils lui a transféré de l’argent sur son numéro mobile», a déclaré à la presse Noomene Fehri, ministre des TIC et de l’Economie numérique à l’occasion de cette conférence de presse organisée le jour même au siège de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Pour lui, cet événement est hautement important –et qui tombe pile poil une année après le lancement de la Carte Technologique Internationale– vu qu’il coïncide, aussi, avec le lancement définitif et total (fixe et mobile) de la portabilité des numéros (lire notre article). «Maintenant, le numéro de téléphone est le vôtre et non la propriété de la compagnie des télécoms. Vous pouvez le porter avec vous, chez n’importe quel opérateur».
Si Chadly Ayari, le gouverneur de la BCT, n’a cessé de glorifier ce service devant les représentants des banques (venus nombreux au siège de la BCT) et ce, en vantant les bénéfices d’un tel service dans l’éradication de la fraude fiscale et un meilleur contrôle des flux d’argent grâce à la traçabilité du téléphone, on ne peut nous empêcher, tout de même, de dénoter dans son discours une déconnexion totale par rapport à la réalité des Tunisiens.
35% environ de la population tunisienne est bancarisée. De ce taux, 20% seulement font des transactions électroniques avec leurs cartes bancaires (chiffre estimatif qu’on s’est procuré de chez Monétique Tunisie). Ce qui veut dire que même avec une carte bancaire, la majorité écrasante des Tunisiens préfèrent encore payer en liquide. La raison ? Un manque flagrant de confiance dans l’écosystème Internet (TPE inclus).
Le discours du gouverneur va faire fuir non seulement les consommateurs, mais surtout les commerçants. Car le message qu’on reçoit de la BCT, est que le m-Payment sera un moyen de répression et de contrôle et non un outil d’encouragement à la consommation ou à la création de la valeur ajoutée. ‘Rebonjour l’Etat policier qui va cette fois ci contrôler ce que j’ai dans ma poche ou dans mon portefeuille’…du moins c’est ce que vont penser beaucoup de gens, dont «Khalti Aouicha».
Si on veut réussir Mobicash en Tunisie, il faut implémenter ce service dans les endroits/commerces où je ne peux pas ou je ne veux pas attendre. A condition que l’opération de la transaction (le paiement à la caisse) ne dépasse pas les 10 secondes. Qui d’entre nous ne sera pas tenté de payer avec Mobicash et avec le système NFC ses baguettes de pain durant Ramadan ? Qui va dire non à Mobicash quand ce service lui permettra de moins s’éterniser dans une file d’attente dans un supermarché ?
Qui va oser douter de l’efficacité de Mobicash, et du m-Payment en général, quand ce service permettra à chacun de nous d’éviter le casse tête de la petite monnaie quand on prend un taxi ou on passe par un péage sur l’autoroute ? Qui ne sera pas d’accord avec le fait qu’avec ce service sécurisé on aura la conscience tranquille, la nuit, quand les risques de braquages sont élevés et/ou quand on est condamnés à prendre des bus ou métros bondés le matin et le soir ?
Ce qui n’a pas été dit dans cette conférence de presse, est que ooredoo a bataillé pour la mise en place de ce service depuis au moins une année. Il n’est entré en vigueur que début d’année pour un lancement commercial prévu pour mars. Mais la Banque Centrale de Tunisie a voulu que cette annonce soit faite sous sa houlette devant les professionnels des banques et n’a cessé de reporter la date de la conférence. Mais force est de constater qu’après cette conférence de presse, la BCT a manqué une occasion en or pour se taire. Pire : Elle a prouvé qu’au delà des sujets financiers purs et durs, cette institution pourrait faire plomber n’importe quel lancement d’un service financier qui touche le grand public, surtout s’il est couplé aux TIC.
On imagine mal «Khalti Aouicha» aller courir dans une boutique ooredoo pour adhérer à Mobicash après le discours chaotique de Chedly Ayari. Encore faut-il qu’elle arrive à le comprendre tellement le gouverneur a fait preuve de dextérité dans la manie de la langue de bois.
Welid Naffati
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