L’opérateur historique français Orange a été récemment au centre d’une polémique. Dans ses conditions générales de vente (CGV) de la fibre optique pour les Pro, l’opérateur a interdit l’utilisation du P2P, de youtube et de Skype sur sa connexion. Révélée par Numerama, la polémique a vite enflé et l’opérateur a fini par se rétracter et a promis une prochaine suppression de cette clause.
L’opérateur historique français Orange a été récemment au centre d’une polémique. Dans ses conditions générales de vente (CGV) de la fibre optique pour les Pro, l’opérateur a interdit l’utilisation du P2P, de youtube et de Skype sur sa connexion. Révélée par Numerama, la polémique a vite enflé et l’opérateur a fini par se rétracter et a promis une prochaine suppression de cette clause.
Cette affaire n’a fait que relancer encore une fois l’éternel débat sur la neutralité du Net. Un opérateur a-t-il le droit de brider ou bloquer un service au nom de la sacro-sainte stabilité du réseau ?
Pour Antoine Mallat, de l’entité de régulation française l’ARCEP, les choses sont claires, un fournisseur d’accès Internet n’a nullement le droit de toucher à la qualité de navigation surtout que chaque fibre de cuivre ADSL est individuelle au client et donc sa capacité n’est pas mutualisée contrairement à une antenne 3G. Alors que dire pour la fibre optique.
Et même si un opérateur tente de le faire, ça ne servira à rien que le régulateur se saisisse de l’affaire car le marché finira par s’autoréguler tout seul. «Nous avons eu un cas concret avec le FAI Free. Il était le seul à avoir des connexions saturées avec Youtube. Du coup, ses abonnés visualisaient à peine les vidéos», raconte-t-il. «Il s’est avéré que Free ne voulait pas payer plus cher sa bande passante pour que ses clients finissent par aller sur Youtube et lui faire gagner un peu plus grâce à la publicité incorporée dans la vidéo».
Dans la logique ‘révolutionnaire’ de Free, si chaque FAI commence à brider les connexions avec Youtube, la filiale de Google finira par partager ses revenus avec eux pour subventionner la transmission du trafic. Seulement voilà, devant les millions de visiteurs uniques par jour, Youtube ne sera guère gêné de voir quelques milliers d’internautes de Free délaisser sa plateforme.
Mieux : avec les autres FAI qui ne brident pas leurs liaisons avec Youtube, les abonnés Free ont fini par résilier en masse pour aller vers la concurrence. Cependant, là où le régulateur peut jouer un rôle, c’est en fixant un minimum de qualité obligatoire du service ainsi que la transparence totale sur le traitement du trafic chez chaque opérateur/fournisseur d’accès Internet.
Et pis : Un opérateur mobile a-t-il le droit d’interdire au client d’utiliser son Smartphone comme un hotspot au lieu d’acheter une clé 3G ? Après tout, s’il consomme en totalité son quota de téléchargement Data (qui est généralement inférieur à celui de la clé 3G), il aura toujours la possibilité de recharger son forfait ou attendre que le compteur se recharge au début du mois d’après.
Mais toujours est-il que la demande accrue de la bande passante finira par l’emporter sur la stratégie d’austérité d’un opérateur. Il suffira de jeter les bases d’un réseau de fibre optique solide pour avoir un retour sur investissement confortable à vie. Et c’est encore mieux si l’opérateur en question verrouille le marché très tôt en passant sa fibre dans tous les quartiers afin de devenir l’opérateur leader et incontournable en la matière.
Lina Rainiene, de l’entité de régulation de la Lituanie
Généralement, c’est l’opérateur historique qui a toujours cette longueur d’avance. Pourquoi ? Parce qu’il peut exploiter ses fourreaux du fixe classique (utilisé pour les câbles de cuivre). Or, dans le passage de la fibre optique (FO), 68% des frais vont dans les travaux de génie civil. De ce fait, la concurrence aura vraiment du mal à suivre le pas. «Il faut absolument obliger l’opérateur historique à ouvrir son infrastructure», martèlent M. Mallat et d’autres intervenants tout au long du séminaire.
Mais quelle place a la Tunisie dans tout ça ? Certes, forcer Tunisie Telecom à ouvrir ses fourreaux pour la FO de ses concurrents si TT refuse de faire passer la sienne, est une condition sine qua non. Mais contrairement à la France, l’opérateur tunisien qui commence à avoir une longueur d’avance sur le posage de sa FO semble être l’opérateur privé Tunisiana.
De ce fait, l’obligation d’ouverture et de location doit aussi englober la fibre en elle-même. Un point que le représentant de l’ARCEP a par ailleurs très bien mis en exergue : «On ne va pas s’amuser à faire passer 3 fibres de 3 opérateurs dans chaque appartement ou maison. C’est une perte de temps et d’argent pour un résultat identique. Quand un opérateur arrive en premier dans un immeuble, par exemple, les autres doivent aller fibrer ailleurs. C’est pourquoi nous obligeons les opérateurs à communiquer entre eux leur plan de passage de la FO sur le long et le moyen terme». Mais ce qu’on retient le plus de la présentation de M. Mallat, est que le dégroupage est devenu un fardeau pour la France.
Les Français, en effet, ne trouvent pas de nécessité à adopter la FO pendant que les 20 Méga et la VoIP du dégroupage leur suffisent largement. Ceci est un frein au développement du Très haut débit et donc un facteur qui ralentira le développement économique. Pour pallier à ce problème, tous les opérateurs sont désormais obligés de passer au VDSL depuis octobre 2013. Grâce à cette technologie, le client gardera toujours sa ligne de cuivre, mais en amont, à quelques mètres de lui, c’est une fibre optique qui prend le relais. Le débit peut aller dans ce cas jusqu’à 100 Mb/s (ce qui est le débit classique de la fibre optique jusqu’à la maison).
Donc en clair : l’ADSL dégroupé est un piège. Il faut plutôt tabler sur la fibre optique jusqu’à la maison de l’abonné (FTTH). Et si c’est difficile de le faire (pas assez d’argent, complexité des travaux de génie civil, etc.) on rapprochera alors la FO au maximum de l’habitation et on utilisera soit le VDSL ou tout autre technologie sans fil pour desservir la zone en très haut débit.
C’est sur ce point que Mme Lina Rainiene, de l’entité de régulation de la Lituanie, s’est basée pour expliquer le succès de la stratégie Très haut débit dans son pays. Grâce à un investissement public dans le cadre du service universel et des dons de la Commission Européenne, ce sont pas moins de 57,1% des abonnés à l’Internet filaire qui bénéficient actuellement de lignes de plus de 10Mb/s. En 2012, plus de 60% était en 2 Mb/s. Ce qui en dit long sur le besoin du marché en haut débit. A noter que le taux de couverture à l’Internet en Lituanie est de 100%.
A l’aube de 2020, la Lituanie espère proposer un débit minimal de 30 Mb/s avec 50% des ménages connectés en 100 Mb/s. Pour ce faire, un budget allant de 38 à 58 milliards d’euros a été prévu par le gouvernement. D’un point de vue réglementaire, l’Etat doit réduire au maximum les frais de passage de la FO. Comment ? Les communes peuvent, par exemple, livrer plus rapidement les autorisations de travaux de génie civil et les programmer avec d’autres opérations de maintenance (pour les tuyaux de gaz, le câble d’électricité, etc.).
Ces communes peuvent, par ailleurs, prendre l’initiative d’elles-mêmes en installant les fourreaux de la FO, voire même le posage de la FO pendant les travaux de génie civil classiques. Les opérateurs viendront alors louer cette infrastructure auprès de la mairie ou la municipalité. Que du bénef pour le contribuable. Une pierre, deux coups !
Welid Naffati
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