Digitaliser le système éducatif. C’est le méga-chantier auquel s’est attaqué le ministère de l’Education. Les efforts déployés commencent d’ailleurs à porter leurs fruits. La rentrée scolaire 2019-2020 ne sera pas comme les autres.
Lors d’une conférence de presse organisée, mercredi, le ministre de l’Education, Hatem ben Salem, a annoncé un ensemble de nouvelles mesures que ses conseillers et experts ont élaborées afin de dépoussiérer l’écosystème de l’enseignement en Tunisie, rattraper le train de la technologie et peut-être un jour concurrencer le modèle finlandais.
Et non, le ministère ne semble pas prêt (du moins pour le moment) à distribuer des tablettes subventionnées par l’Etat ou connecter toutes les écoles à internet et les équiper d’ordinateurs dernier cri. Pour cette rentrée, le ministère voit le “smart” autrement. Entre SMS, sites web dédiés, paiement en ligne, programmes scolaires et cours sur CD… il a sorti “l’artillerie lourde”.
Une de ces mesures concerne les emplois de temps des élèves. Ces derniers recevront à présent leurs emplois de temps sur leurs téléphones mobiles via SMS. Une initiative qu’on ne peut que saluer puisqu’elle évitera aux parents et écoliers les queues interminables et rassemblements devant les salles de classe pour obtenir un agenda scolaire. De même pour les sanctions dont un élève pourrait faire l’objet. Le ministère prévoit de balancer ces informations aux parents et tuteurs via SMS. Un problème de moins pour les Tunisiens, sauf ceux qui ne disposent pas de téléphones mobiles ou n’ont pas les moyens de se les procurer.
Le ministère s’est également attaqué à une autre problématique : le bulletin de notes. Souvenez-vous, depuis la nuit des temps, le bulletin de notes nous parvenait par courrier postal. Désormais, il sera consultable sur un site internet dédié. A ce niveau, le ministère de l’Education fait d’une pierre deux coups : d’une part, il remédie à une éventuelle perte du bulletin de notes en cours de route et d’autre part, il coupe court aux tentatives de falsification désespérées auxquelles certains élèves peuvent s’essayer. Encore faut-il que les parents et les élèves aient accès à internet pour consulter leurs notes.
En Tunisie, sur une population de près de douze millions d’habitants, 67% sont connectés à internet (mars 2019) à différents degrés. Il y a en effet de larges disparités entre les zones côtières et les régions de l’intérieur du pays, et au sein même de certains gouvernorats de par l’existence de zones blanches. Ces pans de territoire – en particulier les zones frontalières – non desservis par les réseaux de télécommunication font depuis quelques années l’objet d’un projet de couverture par les opérateurs. A titre d’exemple, Tunisie Telecom s’est engagé à déployer, sur six phases, les infrastructures nécessaires dans 112 délégations réparties sur une quinzaine de communes.
Le néant numérique n’est malheureusement pas la seule problématique à laquelle le pays est confronté. C’est même le dernier des soucis d’une partie de la population qui n’a accès ni à l’eau potable ni au courant. Dans les zones les plus reculées du pays, il existe encore des foyers sans électricité ou qui souffrent de coupures fréquentes, quoique les chiffres disent le contraire. Selon l’Institut national de la statistique, 99,8% des ménages en Tunisie ont accès au branchement en courant électrique.
Ces facteurs nous laissent perplexes quant à la mise en application de la stratégie de digitalisation élaborée par le ministère de l’Education. Est-il aujourd’hui possible d’aller vers cette forme de digitalisation en l’absence d’une infrastructure solide ?
Nadya Jennene