Tunisie Telecom a amélioré dernièrement sa dorsale Internet dans l’une des régions de la Tunisie en la consolidant par de nouvelles fibres optiques. La transmission des données s’est nettement améliorée. Beaucoup de clients ADSL de cette région ont, en effet, senti moins de lenteurs le soir. La visualisation des vidéos sur Youtube ou facebook est devenue plus aisée. Au plus grand bonheur du consommateur final qui paye au minimum 15 dinars par mois à l’opérateur historique au titre de la redevance ADSL.
Tunisie Telecom a amélioré dernièrement sa dorsale Internet dans l’une des régions de la Tunisie en la consolidant par de nouvelles fibres optiques. La transmission des données s’est nettement améliorée. Beaucoup de clients ADSL de cette région ont, en effet, senti moins de lenteurs le soir. La visualisation des vidéos sur Youtube ou facebook est devenue plus aisée. Au plus grand bonheur du consommateur final qui paye au minimum 15 dinars par mois à l’opérateur historique au titre de la redevance ADSL.
Mais le bonheur des uns, fait le malheur des autres. Le directeur d’un des fournisseurs d’accès Internet tunisiens a, en effet, manifesté son mécontentement sur cette amélioration sensible de la vitesse de connexion de ses abonnés dans cette région. Pourquoi ? Parce qu’il devra payer plus cher la bande passante Internet. «Soit on revoit le modèle de facturation, soit on bride le débit», a-t-il proposé aux fournisseurs de sa bande passante lors d’une réunion il y a quelques jours.
Ce FAI, qui s’est déjà défendu de toute accusation de bridage sur notre site, demande donc clairement à ce qu’on lui bride le débit global pour qu’il ne dépasse pas un certain quota. Bien qu’elle puisse paraître révoltante pour les clients, cette demande est tout à fait logique quand on voit ce que paie un FAI pour connecter ses clients à Internet.
Un schéma complexe
Le modèle économique du Net en Tunisie est assez complexe. Pour les connexions ADSL, Tunisie Telecom a en effet le monopole sur le passage de la bande passante nationale et internationale. Les fournisseurs d’accès Internet via ADSL sont donc obligés de revendre ce service pour le compte de l’opérateur historique pour ses clients, même s’ils lui sont directement concurrents (le cas de Tunisiana via Tunet ou Orange Tunisie).
Paradoxalement, Tunisie Telecom ne vend pas directement sa bande passante aux FAI. Elle a en effet chargé l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) de négocier et facturer ce service. Tout en offrant gratuitement la bande passante nationale, celle sur l’international, par contre, est facturée au fil de l’eau à raison de 49 dinars HT le méga bit/s. A la fin de chaque mois, l’ATI envoie aux FAI le montant à payer.
Un client ADSL consomme, en moyenne, un volume de téléchargement de l’ordre de 10 Go/mois. Ce qui équivaut à un débit de navigation à 0,1 Mb/s. Pour chaque client, le fournisseur d’accès paie, donc, à l’ATI 4,9 dinars HT par mois en moyenne. Sachant que le prix d’un abonnement mensuel à l’ADSL (hors frais Tunisie Telecom) se situe entre 8 et 10 Dinars TTC/mois en moyenne, on comprend donc le manque à gagner des FAI si le client dépasse ce quota de 10 Go de téléchargement par mois.
Combien coûte réellement le Mb/s ?
Mais si un fournisseur d’accès se décide à installer sa propre fibre optique internationale et à outrepasser le prix imposé par Tunisie Telecom via l’ATI, payera-t-il moins cher sa bande passante ? Probablement oui. Et pour cause : le prix du Mega bit/s à l’international coûte entre 1 et 5 euros (tout dépend du contrat de peering négocié).
Même si le FAI sera obligé de payer le passage sur le Backbone national vers l’international, on imagine mal que le coût global dépasse ce que paient actuellement les FAI à TT.
Un début de révolte chez les FAI tunisiens
Si le monde des FAI tunisiens présente un calme de façade et une harmonie entre ses différents acteurs, il est plutôt très tendu, voire même explosif dans les coulisses. Les FAI commencent à se révolter et demandent qu’on revoie tout le modèle économique ou tout du moins, qu’on baisse de moitié le prix imposé par TT.
De l’autre côté, l’opérateur historique -majoritairement étatique- fait de la résistance. Il traine derrière lui des boulets qui augmentent ses charges fixes. Entre les nouveaux recrutements qui alourdissent sa masse salariale (dans une tentative d’absorption du chômage), les pertes annuelles de 100 millions de dinars sur le fixe, et la lourdeur de la machine administrative (sans parler du maintien de la gratuité des services universels), le Data reste parmi les rares activités commerciales qui permettent à TT d’estomper toutes ces pertes.
Résultat : les FAI refusent de payer et TT multiplie les négociations, en vain. Cette situation de blocage perdure depuis des mois. Pire : le prix final de vente du mégabit pour l’année 2012 n’a pas encore été fixé. Pourtant, nous sommes déjà en avril 2013…
L’Agence Tunisienne d’Internet, une victime collatérale
Entre les deux, l’ATI se trouve dans une situation peu confortable. Pressée de tous les côtés, l’agence tente de satisfaire ses clients (les FAI) mais aussi son partenaire stratégique (qui est aussi son associé à 37% dans son capital). Si on ajoute à cette situation les moult réquisitions du tribunal sur des affaires qui ne la concernent pas (diffamation, censure du porno, etc.), l’Agence tunisienne d’Internet perd du temps, de l’argent et de l’énergie au lieu de se focaliser entièrement sur l’amélioration technique du réseau national.
En même temps, l’ATI ne peut délaisser les négociations commerciales puisqu’elles lui apportent un certain revenu stable qui lui permet de survivre économiquement (30% de marge sur le montant des factures). Faut-il encore rappeler que le gouvernement ne subventionne plus l’ATI depuis la dissolution de l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE) et la disparition (pour le moment) de Ammar 404 en janvier 2011 ?
Le modèle économique utilisé actuellement dans la gestion du Net tunisien est brinquebalant. Et ses victimes ne sont pas seulement les fournisseurs d’accès Internet et les consommateurs. L’ATI en paye le prix fort. Et c’est tout l’Internet national qui en sort perdant.
Welid Naffati