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Voulez-vous du Cloud? Bien. Interdisez la censure du Net en Tunisie avant !

Voulez-vous du Cloud? Bien. Interdisez la censure du Net en Tunisie avant ! Tout le monde parle du Cloud Computing comme étant la prochaine vraie révolution informatique depuis la création d’Internet. Des professionnels iront jusqu’à affirmer que le Cloud sera une industrie à part entière. Son adoption a connu, en effet, un saut de 30% ces derniers mois. Et pour cause : les entreprises y trouvent un excellent moyen pour réduire leurs frais (d’installation, d’entretien et d’utilisateur de leur système informatique), tout en augmentant leur productivité.

Voyant venir un boom du Cloud Computing dans le monde, l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) a décidé de travailler sur les standards qu’il faudra mettre en place pour ce type de solutions.

Mais pour la Tunisie, n’y a-t-il pas des acquis dont il faut s’assurer avant de se lancer dans le développement de ce secteur ?

«Avant de s’attaquer au Cloud et à la création des Data Center, il faut tout d’abord voir d’un œil critique le grand problème de contenu numérique local qu’on a en Tunisie», fait noter Moez Chakchouk, PDG de l’Agence Nationale de l’Internet (ATI) lors de la deuxième journée des Workshops dédiés au Cloud Computing, organisée par l’UIT et Tunisie Telecom dans un hôtel de la banlieue de Tunis.

Le PDG de l'Agence Tunisienne d'Internet, ATI, au workshop de l'UIT/ITU à Tunis sur le Cloud Computing

«Sur les 50 Go de trafic international actuellement consommés par les Internautes tunisiens, 10 Go seulement sont consommés en local», affirme le PDG de l’ATI. «Il y a une année, ce trafic était de 6 Go. C’est pourquoi l’ATI s’est mise, juste après la révolution, à travailler sur le développement du contenu numérique local en offrant son infrastructure d’hébergement à des startups telles Yasmine Market (une vitrine virtuelle des applications mobiles tunisiennes sous Android) ou encore acombien.com (une foire des entreprises marchandes en Tunisie et comparatif du prix de leur produits)».

Notons également que l’ATI a dédié quelques uns de ses serveurs au caching des vidéos de Dailymotion et Youtube. Une technique qui a réduit la consommation de la bande passante internationale tout en offrant un accès plus rapide au contenu multimédia de ces deux plateformes vidéo.

M. Chakchouk a également mis l’accent sur l’importance de la qualité de la connexion et sa disponibilité. Mais sur ce point, le PDG de l’ATI ne s’inquiète pas trop vu que «Tunisie Telecom possède le meilleur réseau Internet de l’Afrique et ses capacités en termes de très haut débit sont très prometteuses». Selon ses dires, grâce au réseau de fibre optique et des fibres cuivrés, Tunisie Telecom peut garantir des débits allant ou dépassant les 20Mb/s. «Mais il y a des soucis. Des soucis que Tunisie Telecom et le gouvernement connaissent très bien et qu’ils peuvent régler», rajoute-t-il sans donner plus d’informations sur le type de ces soucis.

Le PDG de l'Agence Tunisienne d'Internet, ATI, au workshop de l'UIT/ITU à Tunis sur le Cloud Computing

Le PDG de l’Agence a par la suite parlé d’un sujet qui lui tient à cœur : la censure et la transparence. «Avant le 14 janvier, la gouvernance de l’Internet était uniquement entre les mains de l’ATI. C’était un modèle de gestion fermé et très opaque. Ce qui est aberrant et complètement contradictoire par rapport au modèle de base de l’Internet qu’est l’ouverture», déclare-t-il devant les invités internationaux de l’UIT. M. Chakchouk a ainsi mis en exergue la nécessité de revoir le code des télécommunications ainsi que le statut juridique de l’ATI pour que cette dernière devienne un acteur 100% neutre.

Mais la question de la neutralité n’est pas évoquée seulement quand il y a du filtrage du Web. Elle concerne aussi le fait de privilégier un flux sur un autre. M Chakchouk rappellera ainsi que durant les derniers jours de Ben Ali, le despote a carrément bloqué le flux VoIP de Skype. Sans parler du non respect des données personnelles et privées de ses citoyens sur la Toile. Des données qu’il utilisait parfois pour faire chanter toute voix discordante au régime.

«Or, si on avait une garantie constitutionnelle et/ou légale sur le respect des données personnelles et interdisait toute pratique de filtrage du Net en Tunisie, là on pourrait commencer le travail sur le modèle économique du Cloud Computing», affirme-t-il. «Comment voulez-vous que j’héberge du contenu en Tunisie, si je risque de le voir censuré ou volé par une tierce partie ? J’irais dans ce cas-là l’héberger dans des Data Centers en France ou en Italie, quitte à payer plus cher le service».

En d’autres termes, si on veut que le Cloud devienne une machine à sous pour la Tunisie et espérer ainsi que les startups étrangères fassent confiance à nos Data Center, il faudra respecter 4 points : la neutralité de l’opérateur réseau, la liberté du Net (la censure et le filtrage ne sont pas des solutions, il faut développer des modèles complètement libres), le respect des données privées sur le Net et enfin la transparence.

«De toutes les façons, la Tunisie a prouvé au monde qu’il est impossible de verrouiller Internet, même avec des équipes et du matériel qui lui sont dédiés», conclut Moez Chakchouk en clin d’œil à la faiblesse de la grande machine de censure, Ammar 404, face à la volonté d’un peuple aspirant à la liberté.

Welid Naffati

Présentation de M. Chakchouk lors du workshop est disponible en ligne sur ce lien.

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