Walid Mathlouthi a réussi ce que beaucoup de jeunes ingénieurs tunisiens rêvent de faire depuis toujours : partir aux Etats-Unis, travailler à la Silicon Valley dans un poste prestigieux et gagner des milliers de dollars par mois. Mais contrairement à ces jeunes-là, ce Tunisien de 38 ans n’a jamais cherché à intégrer le laboratoire de AT&T comme ingénieur senior. Ce sont ses échecs consécutifs qui l’ont mis sur le chemin du Pays de l’Oncle Sam.
Walid Mathlouthi a réussi ce que beaucoup de jeunes ingénieurs tunisiens rêvent de faire depuis toujours : partir aux Etats-Unis, travailler à la Silicon Valley dans un poste prestigieux et gagner des milliers de dollars par mois. Mais contrairement à ces jeunes-là, ce Tunisien de 38 ans n’a jamais cherché à intégrer le laboratoire de AT&T comme ingénieur senior. Ce sont ses échecs consécutifs qui l’ont mis sur le chemin du Pays de l’Oncle Sam. Dans la première partie de l’article, Walid a parlé de ses débuts difficiles en Tunisie et en France où il a été exploité par un industriel français et puis viré parce qu’il avait «osé» demander son droit. La suite dans cette deuxième partie.
Face à ce nouvel échec, il décida d’explorer de nouveaux horizons. Il présente des demandes d’admission dans diverses universités québécoises (francophonie oblige). Admis au sein du Laboratoire de radio communication et de traitement du signal à l’Université Laval, il déménage au Canada et entame sa première année de recherche en radio communication en tant qu’étudiant en Master. Mais cela ne correspondait toujours pas à ses aspirations de mener ses recherches sur la technologie laser.
Un professeur spécialisé en communication optique finira par remarquer ses compétences et lui propose de s’engager avec lui comme chercheur dans le domaine des communications optiques. Il enchaîne ainsi son Master et se fait intégrer directement au programme de Ph.D à la lumière de ses excellents résultats académiques au sein du centre d’optique photonique et Laser du Québec.
Ses recherches doctorales l’ont emmené à visiter plusieurs pays dont l’Italie où il a passé une année et a travaillé avec des équipes de l’université de Parme et de Pise. Il devient rapidement un expert mondial dans les dispositifs optiques à semi-conducteurs.
En 2007, il reçoit une offre pour mener des recherches au sein du prestigieux Photonics technology Lab de Intel, au siège historique de la firme à Santa Clara en Californie. Il participera entre autres aux travaux qui ont mené à la fabrication du tout premier premier laser intégré avec la technologie d’intégration électronique CMOS.
C’est à ce moment-là que la crise économique frappe les Etats-Unis de plein fouet et touche, particulièrement, la Californie. Impossible d’être recrutée par Intel, surtout que cette dernière licenciait à tour de bras. Il se fait virer par le géant des microprocesseurs et se retrouve au chômage dans un pays où la cherté de la vie risque de peser sur ses petites économies.
N’ayant plus le choix, Walid Mathlouthi décide de revenir au Canada pour terminer son doctorat. Et pourquoi pas, décrocher un contrat de recherches postdoctorales au sein du laboratoire de Micro/NanoPhotonics à l’université de Toronto (université qui se place dans le top 10 du classement des meilleurs universités au monde). Au moins, il aura de quoi vivre de son travail de recherche… Sa vraie passion.
Walid Mathlouthi présentant à Tunis les Google Glass via le SMCT
C’est là qu’il se fait remarquer par AT&T labs en Californie (nouvelle version du prestigieux Bell labs qui a donné plusieurs prix Nobel). On lui présente une offre très attirante. Difficile de dire non. Quelques semaines plus tard, il se retrouve de nouveau dans la Silicon Valley à faire des recherches appliquées pour le grand opérateur historique américain. C’était en 2010.
Même si ses journées sont super chargées et malgré le décalage, Walid Mathlouthi essaye tout de même de s’impliquer pour sa Tunisie natale. Il est très actif au sein de la communauté tunisienne à San Francisco. Parmi ses actions ? Le travail avec quelques uns de ses compatriotes pour la mise en place d’une association appelée «Tunisians in Silicon Valley» (TUNSIVA). Son but ? Créer des liens scientifiques, technologies et d’affaires entre la Silicon Valley aux Etats-Unis et la Tunisie. Walid Mathlouthi pense en effet qu’il sera bénéfique pour le pays des Jasmins de s’inspirer du modèle entrepreunarial et d’investissement de capital à risque qui a fait la notoriété et la réussite de la Silicon Valley.
Walid Mathlouthi vit ce qu’on appelle le rêve américain. Et pourtant, l’idée de tout arrêter pour s’installer en Tunisie lui revient très souvent à l’esprit. Pourtant, ce ne sont pas les quelques 10 000 dollars de salaire mensuel qui vont le retenir ou encore les opportunités d’évolution.
«Je sens qu’il y a tellement de choses à faire en Tunisie», s’explique-t-il. «Plusieurs chantiers sont en construction et cela présente une possibilité unique de pouvoir contribuer et redonner un peu à mon pays natal et partager l’expérience internationale modeste que j’ai pu acquérir lors de mon parcours. J’ai eu la chance de pouvoir travailler dans des environnements multi-ethniques et de très hauts calibres. Je veux en parler à nos jeunes pour qu’ils puissent, eux aussi, accéder à ce genre d’opportunités. Je constate aussi avec soulagement et grand plaisir la présence d’une sorte de scène underground de jeunes très actifs dans les domaines scientifiques et technologiques. Ils sont très prometteurs. Mais ils manquent, hélas, de beaucoup d’encouragement d’accompagnement et d’encadrement».
Mais avec cette association qu’il compte créer, il aura toujours la possibilité de faire cela tout en travaillant à la Silicon Valley. Alors vouloir revenir définitivement au pays ? «J’ai aussi mes raisons privées», répond-il avec beaucoup d’émotion. Le poids des années à l’étranger, son âge (38 ans), l’envie de retourner aux sources et de s’occuper des êtres qui lui sont les plus chers (ses parents) commencent à peser lourdement dans sa décision de tout laisser tomber aux USA et de revenir en Tunisie.
Cette valeur sentimentale avec son pays a pris une dimension encore plus profonde lors de sa dernière visite : «Je sens que la désinvolture et le désenchantement ont pris la place de l’euphorie et de l’espoir après la chute de Ben Ali», s’inquiète-t-il. «Je sens que le laisser-aller et la dépression ont gagné le terrain. Le ‘je-m’en-foutisme’ est très dangereux. Il faut garder espoir et travailler dur pour réaliser son rêve. Je constate aussi avec amertume les ravages de la crise économique, la médina était vide pendant la période des fêtes de fin d’année. Les rues moins effervescentes et à la limite vides. C’est vraiment dommage d’en arriver à ce point-là. C’est triste ! Quel gâchis !».
Welid Naffati
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