Comment un simple Tunisien vivant dans les quartiers de la ville de l’Ariana a pu arriver au poste d’ingénieur Senior dans les laboratoires de l’opérateur historique américain AT&T à San Francisco et avec un salaire mensuel de 10 mille dollars environ ? Et pourtant, Walid Mathlouthi compte bien arrêter son rêve américain pour revenir en Tunisie. Pendant sa visite en Tunisie en décembre dernier, nous avons rencontré M. Mathlouthi pour tenter de comprendre ce qui a fait son succès à l’échelle internationale.
Comment un simple Tunisien vivant dans les quartiers de la ville de l’Ariana a pu arriver au poste d’ingénieur Senior dans les laboratoires de l’opérateur historique américain AT&T à San Francisco et avec un salaire mensuel de 10 mille dollars environ ? Et pourtant, Walid Mathlouthi compte bien arrêter son rêve américain pour revenir en Tunisie. Pendant sa visite en Tunisie en décembre dernier, nous avons rencontré M. Mathlouthi pour tenter de comprendre ce qui a fait son succès à l’échelle internationale.
«Ca ne respire pas la joie de vivre ici, dis donc», commente après un long soupir Walid Mathlouthi. Cela fait quelques jours qu’il est de retour à Tunis. Contrairement à ses compatriotes sur le vieux continent, Walid Mathlouthi ne peut s’offrir le luxe de visiter plus souvent son pays natal ou encore moins de suivre son actualité. Cela fait plus de 7 ans qu’il s’est installé aux Etats-Unis et l’heure du retour approche…
Pas moins de 9 heures de décalage et quelques 10 mille kilomètres séparent cet ingénieur Senior chez AT&T (grand opérateur de télécommunication américain) de son pays. «A cause du décalage horaire, il est effectivement très difficile d’être à jour avec toute l’actualité nationale», commente-t-il. Ce qui a changé par rapport à sa dernière visite, il y a tout juste une année ? «Les gens sont désabusés et les jeunes sont encore plus désenchantés qu’avant. Il y a cette culture du ‘fatalisme’ qui s’installe ici et ça c’est très grave !».
Walid Mathlouthi
Walid Mathlouthi a vite fait ce constat lors de son mini tour dans deux grandes villes de la Tunisie (Tunis et Sousse). Equipé de sa Google Glass et de beaucoup de bonnes intentions, Walid a voulu démontrer aux jeunes développeurs le potentiel business de ce produit qui est encore dans sa phase bêta au pays de l’Oncle Sam. «Ces lunettes de Google ne sont pas encore commercialisées et ne sont données qu’aux développeurs et mais voilà que des applications qui lui sont spécifiques sont déjà créées et disponibles», explique-t-il devant des jeunes venus à l’espace Cogite, aux Berges du Lac, fin décembre 2013 pour assister à la présentation de la Google Glass. Sur les vingtaines d’applications déjà prêtes au téléchargement, l’une d’elles est un rappel des heures de prières juives.
C’est sans surprise donc qu’on apprendra qu’un développeur israélien s’est procuré plusieurs prototypes de ces lunettes pour que des ingénieurs israéliens puissent développer depuis Israël des innovations technologiques basées sur ces Google Glass. Pourtant, chaque développeur ne peut disposer que d’un seul prototype, fourni par la firme de Mountain View…
Malgré l’accueil et l’enthousiasme des quelques participants (événement privé sous invitation de la part du Social Media Club Tunisia), Walid Mathlouthi a tout de même constaté que beaucoup de ces jeunes étaient perdus : «Parfois l’innovation vient de la simple observation de ce qui nous entoure. Or, ce qu’on voit ici c’est ’Je veux gagner beaucoup d’argent, mais comment y arriver?’. Du coup, c’est le gain d’argent qui devient le seul et unique but, et non l’apport de solutions innovantes à des problèmes quotidiens. Or l’argent est le résultat qui découle de cette innovation».
«Mais c’est aussi la culture de l’échec qui prime ici», rajoute-t-il par la suite fronçant légèrement les sourcils comme s’il venait de faire ce constat. «On a du mal à accepter l’échec, quand on ne réussit pas son projet ou quand une porte se ferme». Et en matière d’échec, ce Tunisien qui vit aujourd’hui le rêve américain, en connait tout un rayon. Et pour cause, sa vie professionnelle a été une série de déceptions. Paradoxalement, ce sont ces échecs qui l’ont mené à ce poste d’ingénieur senior chez AT&T à San Francisco.
Walid Mathlouthi présentant la Google Glass à Tunis
Ayant fait ses études secondaires au lycée Khaznadar (Ariana), Walid Mathlouthi a décroché son bac Math-Sciences en 1994. On se rappellera pour toujours du bac de cette année-là. Une erreur s’était, en effet, glissée dans l’épreuve de sciences physiques. Le Ministère avait alors proposé aux candidats de repasser leur bac ou de prendre un bonus de 16% sur leur score. En choisissant la deuxième option, Walid a intégré l’Institut Préparatoire aux Etudes Scientifiques et Techniques de la Marsa (IPEST) puisque son score le plaçait parmi l’élite de sa promotion. Echouant aux concours d’entrée des grandes écoles françaises, il transformera cet échec en succès en intégrant l’ENIT. Et pourtant, ce jeune chercheur en herbe était encore déçu de son cursus. A peine âgé de 22 ans, son rêve était de mener des recherches sur les Lasers et les transmissions optiques. Mais à l’ENIT, il s’est résolu à orienter son mémoire sur les amplificateurs de puissance radio fréquence.
Recruté par l’une des plus grandes sociétés IT en Tunisie, il fera l’objet d’un échange de compétences entre cette entreprise et un grand groupe industriel français spécialisé dans la construction d’appareils électroniques. Bénéficiant d’un contrat tunisien et du même salaire qu’en Tunisie, il sera sur-exploité par cette entreprise française. Bien que travaillant sur de grands projets, ils étaient considérés comme de simples exécutants vacataires.
Traité comme un technicien de 3ème classe, mais avec des tâches d’ingénieur, Walid Mathlouthi en a vite eu ras-le-bol. Et au diable les centaines de dinars d’argent de poche en liquide qui arrivaient de Tunis pour combler l’écart entre son salaire tunisien en dinar et la cherté de la vie en France. Menaçant ouvertement ses employeurs français, il sera vite licencié de cette entreprise où il n’avait nullement le droit de se valoriser face à ses collègues français. A suivre.
Welid Naffati
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