«Si ça continue comme ça, je pense qu’on commencera à brider à notre tour les débits de connexion. Je ne vois pas d’autre solution», a balbutié M. Hatem Zghal, PDG du fournisseur d’accès Tunet lors d’une interview flash accordée à THD. «On n’a pas de vision sur l’état de Tunet dans les trois prochains mois. Alors que dire sur une année ou deux. Le mois de janvier et février par exemple, on a perdu d’argent. Du coup, je suis obligé de baisser le coup de la vente pour tenter de trouver un équilibre», fait-il remarquer en référence au manque d’action marketing de sa société dans les médias et sur le terrain.
«Avant, j’ai dit que Tunet n’était pas à vendre. Mais il faut être cohérent, car les choses ont changé maintenant. On essaye d’aller vers l’avant. Mais si les portes continuent à se refermer l’une après l’autre, là, la donne risque bien de changer», poursuit-il d’un air énigmatique sans expliquer en quoi consiste exactement cette donne.
Serait-ce en raison du refus de Tunet de pratiquer le bridage de la connexion ?
Bridage : “un mal nécessaire”
Il y a quelques mois, THD a voulu mener une enquête sur les pratiques de bridage de la connexion qu’exerceraient quelques fournisseurs d’accès tunisiens. Nous avons posé la question à tous les acteurs du Web en Tunisie. Si, officiellement, aucun FAI n’affirme cela, les conversations en aparté nous ont par contre confirmé l’existence d’un bridage de la connexion chez plus ou moins tous les FAI en Tunisie. Mais «c’est un mal nécessaire», nous disent-ils. «Sans ça, on risque bien de mettre la clé sous la porte».
C’est tout le modèle économique de l’Internet tunisien qui est pointé du doigt. En effet, tous les fournisseurs d’accès Internet doivent passer par l’opérateur réseau Tunisie Telecom pour acheter leur bande passante. Celle qui est nécessaire à tout internaute pour pouvoir naviguer, télécharger ou envoyer ses documents sur le Net.
Tunisie Telecom a accrédité sa filiale, l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI), pour la gestion commerciale de cette bande passante. En clair : TT fournit techniquement la bande passante, l’ATI se charge uniquement de la revendre pour le compte de l’opérateur historique. L’agence joue donc ici le rôle d’un grossiste.
«Deux fois par an environ, nous nous réunissons nous (l’ATI, ndlr), les fournisseurs d’accès et Tunisie Telecom pour fixer les prix de vente en gros de la bande passante», nous explique un responsable de l’ATI. «Ce prix est dégressif avec le quota de consommation : plus le FAI consomme de Méga bits, plus le taux de remise est importante».
Le régulateur doit bouger, et en urgence !
L’ATI a répondu dernièrement sur notre site sur l’affaire du bridage (lire : Bridage et ralentissement: L’Agence Tunisienne d’Internet est-elle en train de contrôler le Net ?). Cette filiale de TT avait même assuré qu’elle «ne pratique aucune limitation sur la bande passante internationale. Cette dernière n’est d’ailleurs exploitée qu’à 75%». Et de toute façon, clairement, elle n’a pas intérêt à brider le débit puisque chaque méga bit consommé est facturé par la suite au fournisseur de la connexion Internet.
«Le prix de la bande devrait être identique pour tout le monde», martèle le PDG de Tunet. «De toutes les façons, tous les acteurs du domaine trouvent que cette grille ne répond à aucune logique. On a demandé il y a plus d’un an à ce que l’INT (Instance nationale des télécommunications, ndlr) intervienne en urgence sur ce dossier et je pense qu’on va insister là-dessus, maintenant plus que jamais».
Rappelons au final que M. Kamal Saadaoui, PDG de l’instance tout récemment nommé à ce poste après plusieurs années passées à la tête de l’ATI, avait déclaré lors de son interview à THD que la révision de la grille de vente de la bande passante en gros est l’une de ses priorités (lire : Dégroupage, qualité de connexion et prix de la bande passante dans le collimateur de l’INT). Il nous avouera même en marge de l’interview que la législation en vigueur a été si bien verrouillée, que ces “petits” FAI sont maintenant laissés pour compte en faveur des “grands”.
Bref un vrai souk législatif auquel le régulateur et le ministère chargé des télécoms vont devoir mettre de l’ordre. Et en urgence !
Enquête menée par Welid Naffati et Majdi Mgaidia
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