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Tunisie : Rumeurs et désinformation sur facebook, un mal nécessaire ?

«Dans les circonstances actuelles que traverse la Tunisie, le conspirationisme peut être salutaire», nous déclare M. Riadh El Hammi. Ce grand utilisateur des réseaux sociaux explique que ceci est «une solution, qui peut s’avérer efficace, pour amener le gouvernement vers une transparence la plus grande possible, ainsi qu’à mieux communiquer avec le peuple. Les analyses conspirationnistes, aussi fausses soient-elles, auront le mérite de faire éclater la vérité et obliger le gouvernement et les partis à se justifier et à livrer une partie des informations qu’attend le peuple».

En d’autres termes et selon M. El Hammi : la rumeur et la désinformation sur Internet sont en Tunisie un mal nécessaire pour rappeler à l’ordre un gouvernement et des partis politiques qui ont tendance à prendre de haut le peuple. Mais avec de tels agissements, ne risquons-nous pas d’obtenir l’effet inverse, surtout avec ce qui vient de se passer sur les réseaux sociaux la semaine dernière ?

L’activité des tunisiens sur facebook tout au long de la semaine du 2 au 8 mai dernier était exceptionnelle. La raison ? Les fameuses révélations de Farhat Errjahi, ex-ministre de l’Intérieur dans plusieurs séquences vidéo. Piégé par deux journalistes stagiaires et filmé à son insu (d’après ses dires), ces vidéos en question ont fait le tour du Net en un temps record malgré l’heure tardive de diffusion (Lire: Tunisie: La vidéo de Farhat Errajhi a été volée du réseau informatique d’un journal en ligne).

Versant dans la théorie du complot, les déclarations de M. Errjahi n’ont fait que ramener de l’eau au moulin de ceux qui doutaient encore de la crédibilité du gouvernement. C’est alors qu’une réaction en chaine s’est déclenchée sur le réseau de Mark Zuckerberg appelant à la révolte générale. Elle était d’autant plus alimentée, en grande partie du moins, par les pages facebook autoproclamées gardiennes du temple de la révolution tunisienne. Une Kasbah 4 a été même programmée à la va-vite.

Volte-face et rétropédalge

Seulement voilà, Farhat Erjjahi s’est vite rétracté dès le lendemain, et a même accusé les deux journalistes d’avoir comploté contre lui et contre la stabilité du pays. Ce rétropédalage aussi rapide que brusque, a eu le mérite de diviser l’opinion publique, même sur facebook. Faut-il sortir dans la rue et demander la chute du gouvernement, ou faut-il faire marche arrière et attendre les explications du Premier ministre ?

C’est alors qu’une guerre d’information s’est déclenchée sur facebook et twitter, entre les deux camps. Mais pour le premier, pour qui la chute du gouvernement était considérée comme un “devoir national”, la tâche fut un peu plus difficile que prévue. Justement à cause du volte-face de Errajhi. C’est alors qu’on a commencé à voir circuler des informations très dangereuses. Tout y passait : la republication de vidéos et d’images datant de la première révolution, de photos de bavures policières prises en Iran mais attribuées injustement à la police tunisienne, ou encore un vidéo-montage pour ne montrer qu’une partie de la vérité, etc. Bref, tous les moyens étaient bons pour booster les facebookers à descendre dans la rue…sans succès. Les rassemblements étaient en effet en deçà de ce qu’a connu la Tunisie en janvier (la révolution) et en février dernier (celui qui a causé la démission du Premier ministre à l’époque, Mohamed El Ghannouchi).

“Rumeurs et langue de pute”

La manipulation est alors passée au degré supérieur. Quitte à y impliquer des médias connus. La première tentative remonte au vendredi 6 mai dernier, tard le soir. Des pages ont en effet relayé un supposé “scoop” de Radio Kalima de Sihem Ben Sedrine sur une prise du pouvoir par l’armée et la démission du gouvernement de Beji Caid Essebsi. Une information qui a coïncidé avec une attaque informatique rendant inaccessible le site Web de la radio. L’information a dû par ailleurs être démentie rapidement par Sihem Ben Sedrine en personne sur la page fan de la radio ainsi que dans une communication téléphonique sur la radio Express FM (lire notre article : Sihem Ben Sedrine: «Beji Caid Essebsi a dit oui, la police politique dit non»).

La deuxième tentative n’a pas tardé, surtout que le discours de Beji Caid Essebsi à la télé était annoncé pour le dimanche 8 mai à 19h. Ce jour-là en effet, et au milieu de l’après midi, une page facebook “révolutionnaire” a annoncé l’arrestation de Farhat Errajhi par les militaires et a accordé la source de l’information à Express FM et Jawhara FM. Les deux radios se sont alors empressées de contredire la rumeur mettant dans l’embarras ceux qui l’ont diffusée.

Ces bourdes répétitives ont permis aux détracteurs de ces pages ‘’révolutionnaires’’ de revenir en charge après des campagnes de décrédibilisations où ils étaient accusés de RCDistes et de forces contre-révolutionnaires. Le deuxième camp s’est alors formé et le clivage au sein des internautes s’est encore renforcé.

Les insultes fusent et les messages diffamatoires sont devenus monnaie courante entre facebookeurs et twittos (utilisateurs de tweeter) tunisiens. Le niveau s’abaisse et la bonne information se noie dans une marée d’intox… pour le plus grand bonheur de ceux qui tirent les ficelles de ce jeu de masques de politiciens magouilleurs.

Welid Naffati

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