L’Assemblée Nationale Constituante (ANC) a débattu hier mercredi 3 avril des correctifs qui modifient l’actuel code des télécoms. Après plus de 6 heures de discussions (le débat a commencé à 11h et ne s’est terminé que vers 20h), l’ANC a fini par adopter l’ensemble des articles avec quelques amendements déposés à la dernière minute par quelques élus. Comme la définition et les modalités d’octroi d’une licence IXP.
L’Assemblée Nationale Constituante (ANC) a débattu hier mercredi 3 avril des correctifs qui modifient l’actuel code des télécoms. Après plus de 6 heures de discussions (le débat a commencé à 11h et ne s’est terminé que vers 20h), l’ANC a fini par adopter l’ensemble des articles avec quelques amendements déposés à la dernière minute par quelques élus. Comme la définition et les modalités d’octroi d’une licence IXP.
Malgré quelques tensions, plusieurs de ces amendements ont fini par être retirés par les députés eux-mêmes. Soit convaincus par les réponses du ministre des Technologies de l’information et de la communication, soit par demande de Mahmoud Baroudi, président de la commission des secteurs des services qui a défendu le texte, soit par la présidente de la séance, Mehrezeya Laabidi.
Mais une seule députée a tenu bon pour qu’on vote un article qui oblige les fournisseurs d’accès Internet à censurer le porno. «On ne peut accepter que dans chaque maison, des chambres deviennent des endroits pour pratiquer la prostitution», a déclaré la députée Sana Haddad du bloc Ennahdha à l’ANC. «Plusieurs études, adoptées par des gouvernement comme celle de l’Islande, ont démontré que c’est à cause du porno en ligne que le taux de délinquance a augmenté chez les jeunes. C’est à cause du porno que le nombre des femmes et enfants violés a pris des proportions inquiétantes».
Bref, dans sa diatribe, Mme Haddad a imputé une majeure partie des problèmes de société à la seule visite des sites pornographiques. Malgré l’insistance de Mehrezeya Laabidi et de Mahmoud Baroudi, Sana Haddad a refusé de retirer son amendement. Ce n’est qu’après intervention du ministre qu’elle s’est rétractée.
«Nous allons soumettre prochainement un projet à l’ANC et qui rentre dans le cadre du contrôle des cyber crimes», a affirmé Mongi Marzoug, ministre des TIC. «Ce projet a été élaboré par le ministère de la Justice et on l’a récupéré pour mieux l’élaborer. Il porte sur trois grands axes : le cyber terrorisme, la cyber criminalité et la protection de tous les utilisateurs, y compris les enfants. Et sur ce dernier point, le projet sur la convention de Budapest. Et un volet de cette loi touchera à la protection de l’enfance. Des réunions dans ce sens ont été organisées avec les fournisseurs d’accès Internet. On soumettra le projet à l’ANC prochainement pour que les députés puissent l’étudier, modifier et valider lors d’une plénière».
«Bonne chance (pour le faire adopter, ndlr)», a commenté ironiquement Mahmoud Baroudi du bloc démocratique et président de la commission.
Presque convaincue par la réponse du ministre, Mme Haddad a retiré son amendement tout en précisant que le gouvernement et les instances publiques doivent prendre très au sérieux cette problématique si on veut réduire les crimes en Tunisie, et notamment celles dont sont victimes les femmes. «Et j’espère que cette interdiction du porno sera même inscrite dans la loi anti-terrorisme», conclut-elle.
Nous avons approché Mme Haddad à la fin de la séance pour savoir si elle réalise l’impact technique et financier d’une telle décision sur notre réseau Internet. Surtout qu’à l’époque de Ben Ali, le défunt (pour le moment) Ammar 404 n’a pas réussi à empêcher les gens d’accéder aux sites de sexe. Avec en prime : des ralentissements de la navigation au point, parfois, de causer des problèmes généraux au niveau de la connexion.
«Il doit y avoir forcément une solution meilleure pour ça. Une solution radicale qui empêche la pénétration du porno en Tunisie non ?», nous a-t-elle répondu.
Après un bref échange avec Mme Haddad où nous lui avons expliqué le schéma global d’une connexion Internet, sur le mode de fonctionnement de Ammar 404, sur les coûts d’un tel service, la députée du bloc Ennahdha a fini par avoir l’air perplexe.
La seule solution radicale pour empêcher la pénétration du porno en Tunisie serait en filtrant par noms de domaine (malgré le rapport de l’AFNIC contestant cette solution). L’ICANN peut obliger tous les sites porno à migrer sur des noms de domaine en .xxx. Le gouvernement pourrait, par la suite, bloquer cette extension au niveau national.
Encore faut-il respecter le droit des personnes à y accéder. Car la consultation de contenu adulte reste de l’ordre des libertés individuelles. Un droit qui figure déjà dans le brouillon de la constitution et validé en commission par Ennahdha.
Welid Naffati
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